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L’interview récente de la présidente du Comité Olympique Djiboutien (COD) a déclenché une véritable tempête médiatique et suscité des réactions passionnées de la part des Djiboutiens. Les propos tenus concernant Ahmed Salah, l’illustre champion de marathon, ont divisé l’opinion publique. Si certains voient en lui une icône à honorer et à soutenir inconditionnellement, d’autres estiment qu’il ne remplit plus les critères nécessaires pour occuper une place de premier plan dans le sport national. Ce débat mérite une réflexion approfondie sur la place des anciens champions dans notre société et les attentes que nous avons envers eux.
Le Champion Éternel : Ahmed Salah, une Fierté Nationale
Ahmed Salah n’est pas un nom que l’on prononce à la légère à Djibouti. Cet athlète est une légende vivante qui a marqué l’histoire du sport djiboutien sur la scène internationale. Sa carrière impressionnante a commencé lorsqu’il a remporté la première Coupe du Monde de marathon à Hiroshima en 1985. Ce triomphe a été suivi par une médaille d’argent lors de la seconde Coupe du Monde du marathon à Séoul en 1987.
En 1988, Ahmed Salah a consolidé son statut d’icône du sport en remportant la médaille de bronze aux Jeux Olympiques de Séoul dans l’épreuve du marathon. Mais son parcours ne s’arrête pas là : en 1991, il a de nouveau brillé en décrochant la médaille d’argent lors de la Coupe du Monde de Marathon. Preuve de l’estime qu’il suscite au niveau national, Salah a été choisi comme porte-drapeau de la délégation djiboutienne lors des Jeux Olympiques de Pékin en 2008.
Outre ses exploits sportifs, Ahmed Salah a également œuvré pour le développement de l’athlétisme à Djibouti. En février 2002, il a créé un Centre de Formation et du Développement de l’Athlétisme, le premier du genre en République de Djibouti. Ce centre, qui accueille actuellement plus de 250 jeunes athlètes, dont une cinquantaine de filles âgées de 14 à 18 ans, témoigne de son engagement à transmettre son savoir-faire et à former la nouvelle génération de champions.
Pour de nombreux Djiboutiens, Ahmed Salah incarne la détermination, la résilience, et l’excellence. Son parcours inspire des générations de jeunes athlètes et symbolise ce que la volonté humaine peut accomplir face à l’adversité. À cet égard, il est compréhensible que beaucoup considèrent qu’il mérite tous les égards. Pour eux, Salah devrait être présent à tous les événements sportifs majeurs, aux côtés des athlètes djiboutiens, pour partager son expérience, ses conseils, et son aura de champion. Ils estiment que son statut de héros national transcende les critères traditionnels de représentation, et que la reconnaissance de ses exploits doit primer sur toute autre considération.
L’Exigence de la Modernité : Le Rôle et la Représentation des Icônes Sportives
Cependant, d’autres voix, tout aussi respectables, soulèvent une question cruciale : celle de la représentativité dans un monde en constante évolution. La fonction de représentation, notamment dans des instances comme le Comité Olympique, requiert aujourd’hui plus que des accomplissements passés. Elle nécessite une certaine éducation, des compétences en gestion, et une capacité à comprendre les enjeux contemporains du sport mondial. Le sport, au-delà de la performance physique, est aussi une question de diplomatie, de communication, et de stratégie.
Ces voix estiment que le respect dû à Ahmed Salah ne devrait pas nécessairement se traduire par un rôle au sein de l’organisation sportive nationale, surtout s’il n’est pas formé pour cela. Ils craignent qu’une telle représentation puisse desservir les intérêts du sport djiboutien sur la scène internationale et estiment qu’il est nécessaire de privilégier des leaders formés, aptes à défendre et à promouvoir les couleurs de Djibouti.
Une Réconciliation des Perspectives
La question de savoir comment honorer les légendes tout en répondant aux exigences de la modernité n’est pas simple, mais elle n’est pas insoluble. Plutôt que d’opposer ces deux visions, ne pourrait-on pas les concilier ?
Une voie médiane pourrait être explorée, où Ahmed Salah conserverait son statut d’ambassadeur symbolique du sport djiboutien, sans nécessairement occuper un poste décisionnel ou représentatif nécessitant des compétences techniques spécifiques. Ce rôle d’ambassadeur, honorifique mais influent, pourrait lui permettre de continuer à inspirer les jeunes, tout en laissant la gestion opérationnelle et stratégique du sport à des personnes formées pour cela.
En parallèle, l’État et les institutions sportives pourraient investir dans la formation et l’accompagnement des anciens champions, comme Salah, pour leur permettre d’acquérir les compétences nécessaires à la représentation moderne. Cela permettrait de respecter leur parcours tout en leur offrant les outils pour continuer à servir leur pays dans de nouvelles fonctions.
Conclusion
Le débat autour d’Ahmed Salah révèle une tension entre l’hommage dû aux anciens champions et les exigences de la représentation moderne. Plutôt que de les opposer, il serait sage de chercher à les réconcilier en offrant aux légendes du sport des rôles adaptés à leur parcours, tout en veillant à ce que la gestion sportive soit assurée par des personnes qualifiées. En fin de compte, la véritable victoire réside dans la capacité à reconnaître et à respecter les contributions de chacun, tout en regardant vers l’avenir avec des leaders préparés pour relever les défis d’aujourd’hui et de demain.
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